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Une histoire intimement liée aux rapides

Vue sur les vestiges du complexe industriel de la digue des Moulins. Source CPM, 2009

Au début du XVIIe siècle, les missionnaires français empruntent la rivière des Prairies pour accéder à l’Outaouais et au pays des Hurons. En 1625, le récollet Nicolas Viel et son compagnon, sunommé Ahuntsic par les Hurons, se noient dans ses rapides, événement à l’origine du nom de Sault-au-Récollet.

En 1696, ce site est retenu par les Messieurs de Saint-Sulpice, seigneurs de l’île de Montréal, pour y déplacer la mission amérindienne du Fort-de-la-Montagne. Les Amérindiens convertis au catholicisme s’installent à proximité et cultivent les champs environnants.
Entre 1724 et 1726, les Sulpiciens font construire une digue entre l’île de la Visitation et l’île de Montréal. Dès 1728, on y compte trois moulins alimentés par les rapides. L'énergie hydraulique permet de constituer le plus important complexe industriel de la région. En 1736, le peuplement des campagnes environnantes suscite la création de la paroisse de la Visitation-du-Sault-au-Récollet. Succédant à la petite chapelle de fort Lorette, une église est inaugurée en 1751 (agrandie en 1850-1852). Elle sera classée monument historique par le gouvernement du Québec en 1974 et une aire de protection sera déterminée par décret ministériel l’année suivante.

Au cours du XIXe siècle, le petit village agricole isolé sur le bord de la rivière des Prairies, le Sault-au-Récollet, est en pleine expansion. Ses moulins en font un centre de services pour les campagnes avoisinantes. La paroisse du Sault-au-Récollet comprend un immense territoire incluant les zones actuelles de Villeray, Saint-Léonard et Ahuntsic. Des parties s'en détachent peu à peu au cours de la deuxième moitié du siècle.

Au XXe siècle, l’urbanisation de l’île de Montréal transforme ce milieu rural en lieu de villégiature, puis en municipalité de banlieue et en quartier urbain. Érigé en municipalité de village en 1910, le Sault-au-Récollet acquiert le statut de ville en 1914, avant d’être annexé à Montréal deux ans plus tard.

Après la Première Guerre mondiale, des bâtiments sont insérés dans le tissu villageois. En 1928, la construction du barrage Walker et de la centrale électrique de Rivière-des-Prairies fait disparaître les rapides, altère la configuration des îles et entraîne l’artificialisation des berges. Le barrage inonde les îlots Hibou et Sergent.

Le parc-nature de l’Île-de-la-Visitation est inauguré en 1983 et la Ville de Montréal constitue le site du patrimoine de l’Ancien-Village-du-Sault-au-Récollet en 1992. Ce site au patrimoine très diversifié comprend une partie du parc-nature, dont l'île de la Visitation, rattachée à la terre ferme par le barrage Walker et la digue des Moulins. Il englobe également l’ancien village du Sault-au-Récollet, un cimetière paroissial aménagé dans les années 1870 et des éléments reflétant les diverses utilisations du territoire, notamment les vestiges du complexe industriel de la digue des Moulins.

Il compte près de 300 édifices construits entre le XVIIIe siècle et la fin du XXe siècle, deux églises et deux complexes conventuels. On y trouve aussi une quinzaine de sites archéologiques d’identité euro-québécoise, un site amérindien et trois biens culturels classés : l’église du Sault-au-Récollet, la maison du Pressoir et la maison Saint-Joseph-du-Sault-au-Récollet (aujourd’hui un bâtiment du Collège Mont-Saint-Louis).

Un complexe industriel d’envergure
Le site des Moulins se compose principalement d’une digue en pierre et en béton de plus de 100 mètres de long, ponctuée par les vestiges d’anciens moulins et d’usines du XIXe siècle et du début du suivant. Il comprend aussi la maison du Meunier, parfois appelée maison Oberlander ou Moulin du Sault-au-Récollet, un bâtiment de deux étages érigé en 1801 à l’entrée de la digue sur l’île de Montréal.

Cette maison est construite en remplacement d’un premier moulin à farine en fonction depuis 1728. Au fil des ans, des bâtiments industriels finissent par former une enfilade sur la digue. À partir des années 1830, la digue, qui a subi des travaux d’exhaussement, sert également de voie d’accès entre l’île de la Visitation et la rive montréalaise. En 1837, les Sulpiciens, craignant l'abolition du régime seigneurial (effective en 1854), vendent plusieurs de leurs moulins de la seigneurie de Montréal. La digue des Moulins est ainsi cédée à un homme d’affaires, Pascal Persillier, dit Lachapelle fils (1806-1853). À la suite d’un incendie survenu en 1846, celui-ci fait construire un imposant moulin à farine. D’autres turbines sont installées dans la digue au cours du dernier quart du XIXe siècle afin de répondre aux besoins énergétiques de la production de papier et de carton-cuir.

À gauche, l’aspect que prenaient la maison du Meunier et son environnement dans les années 1970. Source : CUM, 1977. À droite, la digue (ou la rue du Pont) et la maison du Meunier, telles qu’elles se présentent aujourd’hui. Source : CPM, 2010.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, de nombreuses constructions (moulin à farine, à scie, à papier, à clous, etc.) se succèdent sur la digue, souvent pour remplacer des moulins endommagés ou désuets. Le site est vendu à la Dominion Leather Board en 1890, à la Back River Company en 1906 et enfin à la Milmount Fibreboards Limited en 1950. Des activités industrielles y ont cours jusqu’en 1977.

La Ville de Montréal devient propriétaire de la digue en 1981. Les moulins et les usines sont alors détruits pour des raisons de sécurité publique. Seule la maison du Meunier est conservée. C’est en 1998 que la firme d’architecture et design urbain Daoust Lestage réalise l’aménagement actuel de la digue, mettant en valeur les vestiges industriels. Ces vestiges font aujourd’hui l’objet d’un programme d’interprétation piloté par l’organisme Cité Historia, lequel gère le musée d’histoire du Sault-au-Récollet et le Bistro des Moulins, tous deux situés dans la maison du Meunier. Ils appartiennent à un ensemble remarquable, tant par sa situation que par son histoire, qui permet de profiter pleinement du patrimoine culturel de l’eau au quotidien, hiver comme été.

On peut consulter des dossiers consacrés au Sault-au-Récollet:
Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition Féminine, gouvernement du Québec
Ville de Montréal 
Héritage Montréal

Cité Historia offre des visites guidées du site des moulins. Informations
On peut également visiter le barrage Walker. Informations

On peut enfin consulter la carte du parc-nature de l’Île-de-la-Visitation:

Source de la figure 2 (à gauche) : Communauté urbaine de Montréal, 1982. Répertoire d’architecture traditionnelle sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Architecture industrielle. P. 308.