Aménager sa propriété en protégeant les milieux naturels
En 2004, la Ville de Montréal a adopté la Politique de protection et de mise
en valeur des milieux naturels. Cette politique cible plusieurs secteurs
d’intervention, notamment dix secteurs appelés écoterritoires, dont la
protection et la valorisation ont été jugées prioritaires.
La démarche de sauvegarde de ces écoterritoires s’appuie sur la notion de
réseau écologique, défini comme un espace naturel composé de trois types de
zones : noyaux, tampons et couloirs écologiques. Les zones tampons jouent
plusieurs rôles, dont, comme leur nom l’indique, celui de protéger la zone noyau
des menaces extérieures éventuelles. De plus, ce sont des habitats essentiels à
la survie des espèces qui fréquentent l’écoterritoire.
Des dispositions du document complémentaire au Plan d’urbanisme de la Ville
de Montréal (section 6.4 Les écoterritoires) portent spécifiquement sur les
interventions effectuées sur un terrain situé en tout ou en partie dans une zone
tampon, soit à moins de 30 mètres d’une berge, d’un bois, d’un milieu humide ou
d’un cours d’eau intérieur compris dans un écoterritoire. Ces dispositions, qui
visent à préserver et mettre en valeur les milieux naturels en favorisant leur
intégration au développement urbain (Action 16.1 du Plan d’urbanisme), portent
sur les projets d’opérations cadastrales (disposition 6.4.1) et les
constructions et agrandissements, ainsi que sur les opérations de remblai ou de
déblai (disposition 6.4.2). Ces différentes opérations doivent notamment être
réalisées de manière à maximiser la conservation des bois, des milieux humides
et des cours d’eau intérieurs d’un écoterritoire tout en mettant leurs
caractéristiques en valeur.
On pense parfois à tort que les impacts des interventions réalisées sur une
propriété résidentielle sont négligeables. Leur cumul risque d’avoir des effets
négatifs réels sur le milieu naturel voisin. On le rappelle d’ailleurs dans le
Plan de protection et de mise en valeur du Mont-Royal, l’un des dix
écoterritoires montréalais. On y signale que la multiplication des interventions
mineures entraîne une transformation graduelle des paysages et que la
minéralisation progressive des espaces autour des bâtiments, comme l’aménagement
d’allées et d’aires de stationnement, finit par réduire de façon notable la
végétation et le caractère verdoyant des lieux, en plus de causer un assèchement
des sols par excès de drainage.
C’est pourquoi, lorsqu’une propriété se trouve dans une zone tampon ou un
couloir écologique appartenant à l’un de ces milieux naturels à protéger, on
doit prendre en compte un certain nombre d’éléments avant d’aménager ou de
réaménager les abords de la résidence. Au-delà du respect des dispositions
réglementaires, il est important de prendre conscience que les aménagements
effectués par les uns et les autres sur leur terrain peuvent grandement
contribuer au maintien et même à l’amélioration du milieu naturel, ainsi qu’à sa
mise en valeur. La végétation choisie, la disposition des constructions, le
choix des matériaux, chaque décision a une incidence!
C’est ainsi que, selon la situation donnée d’une propriété, le Conseil du
patrimoine de Montréal peut être appelé à émettre des recommandations visant à
assurer la protection du patrimoine naturel dans les écoterritoires, eu égard à
la prise en compte des aspects suivants : la sauvegarde ou le remplacement de
certains arbres; l’exclusion d’espèces végétales envahissantes; le choix des
matériaux de pavement; le remplacement de superficies minéralisées par des
espaces végétalisés, etc.
En fait, avec un peu de bon sens, de souplesse et de créativité, il est
parfaitement possible d’aménager sa propriété de manière satisfaisante tout en
contribuant à la réalisation des objectifs de protection et de mise en valeur du
milieu naturel des dix écoterritoires montréalais dont on souhaite maintenir la
biodiversité et l’intégrité.
Voici quelques principes généraux pouvant être appliqués par tous les
propriétaires résidentiels vivant dans la zone tampon d’un écoterritoire :
Pour protéger la composition végétale de la zone noyau
- Exclure les espèces végétales envahissantes qui pourraient migrer vers
la zone noyau. Une liste de 13 espèces végétales envahissantes interdites,
comprenant des arbres, des arbustes et des plantes herbacées, a été dressée
pour le mont Royal1. On peut s’en inspirer pour les aménagements
à réaliser ailleurs sur le territoire. De plus, d’autres espèces jugées
préoccupantes devraient également être évitées au pourtour des milieux
naturels montréalais. Le site Web de la Ville de Montréal fournit des
informations détaillées sur certaines espèces végétales à éviter et les
manières de les éradiquer2.
- Éviter de jeter des éléments végétaux provenant de la propriété
(feuilles mortes, résidus de nettoyage des plates-bandes) dans le milieu
naturel environnant pour éviter de modifier sa composition.
- Choisir des espèces végétales indigènes et favoriser la plantation
d’arbustes, qui sont souvent absents des zones noyaux. Choisir des espèces
qui attirent et nourrissent la faune aviaire.
- Éviter de prélever des plantes indigènes dans la zone noyau. Certaines
sont très vulnérables3 et pourraient disparaître pour de bon de
la zone noyau si elles font l’objet de prélèvements répétés. De même, lors
de l’achat d’une espèce vulnérable auprès d’un fournisseur, s’assurer que
celui-ci ne s’est pas approvisionné directement en milieu naturel.
- Limiter le décapage du sol à proximité des arbres de la zone noyau.
Leurs racines peuvent se retrouver chez vous, car, contrairement aux idées
reçues, celles-ci s’étendent souvent bien au-delà de la superficie de la
cime. Comme les racines nourricières sont principalement situées à moins
d’un mètre de profondeur, le décapage d’une mince couche de sol peut être
très dommageable.
- S’il faut supprimer des racines, agir avec la plus grande prudence. On
peut sectionner jusqu’à 25 % des racines d’un arbre sans mettre sa santé en
péril, mais à condition de respecter certaines règles (ex. : coupe nette des
racines, pose d’une membrane de protection sur les racines exposées et
arrosage fréquent du système racinaire pendant la durée du chantier, surtout
en période de sécheresse).
- Éviter d’asphyxier le sol près des racines en éloignant le plus possible
les zones minéralisées par le bétonnage, l’asphaltage ou la pose de
pavés.
Pour protéger le régime hydrique de la zone noyau
Considérer les eaux de ruissellement comme une ressource4 qui
contribue à la santé de la zone noyau plutôt qu’une nuisance à évacuer
rapidement à l’égout pluvial.
1. Retarder l’évacuation des eaux de ruissellement.
- Limiter au maximum les travaux de déblai et de remblai et l’implantation
de structures telles que des murets, qui modifient la topographie des lieux
et le drainage du site.
- Limiter au maximum le pourcentage d’espaces minéralisés destinés à
l’implantation de stationnements, allées, terrains de sport, etc. En règle
générale, les superficies minéralisées prévues ne devraient pas excéder
celles qui existaient antérieurement. Il s’agit d’éviter le ruissellement
excessif vers les égouts et donc l’assèchement graduel du sol.
2. Filtrer ces eaux pour protéger la qualité de l’eau de la nappe
phréatique en utilisant des pavés perméables. Le système formé par ces pavés
et leurs joints agit comme un filtre naturel en plus de permettre la percolation
des eaux de pluie dans le sol. Quant aux allées, on peut par exemple remplacer
les pavés par des pas japonais.
3. Capter les eaux de ruissellement sur le terrain à l’aide de jardins de
pluie, bandes filtrantes, citernes d’eau de pluie, toitures végétales, puits
absorbants5.
En somme, il s’agit de considérer votre terrain comme un rempart protégeant
le milieu naturel et comme son prolongement. Ce changement de perception peut
amener à modifier grandement un projet d’aménagement, autant la palette végétale
que l’emplacement des allées et des éléments construits!
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Notes
1 Ces espèces sont l’allaire officinale (Alliaria
petiolata), l’anthrisque des bois (Anthriscus sylvestris), le
cynanche (Cynanchum rossicum) et le cynanche noir (Cynanchum
nigrum), l’égopode podagraire (Aegopodium podagraria), l’érable de
Norvège (Acer platanoides), les nerpruns bourdaine (Rhamnus
frangula) et cathartique (Rhamnus cathartica), l’orme de Sibérie
ou orme chinois (Ulmus pumila), la pervenche mineure (Vinca
minor), le peuplier blanc (Populus alba), la renouée japonaise
(Fallopia japonica) et la salicaire pourpre (Lythrum
salicaria).
Plan d’urbanisme de Montréal, document complémentaire,
disposition (6.1.3 L’aménagement d’un terrain) s’appliquant au territoire de
l’arrondissement historique et naturel du mont Royal.
2Cette
information est disponible à l’adresse suivante : Biodiversité
3Avec la Loi sur les espèces menacées ou
vulnérables, le gouvernement québécois s'est engagé à garantir la
sauvegarde de l'ensemble de la diversité génétique du Québec. À ce jour, 68
espèces de la flore sauvage ont été légalement désignées menacées ou vulnérables
au Québec. Une espèce est menacée lorsque sa disparition est appréhendée, et
elle est vulnérable lorsque sa survie est précaire même si sa disparition n'est
pas appréhendée. Pour consulter la liste des espèces menacées et vulnérables.
4Pour plus
d’informations à ce sujet, voir La gestion durable des eaux de pluie. Guide de bonnes pratiques
sur le développement territorial et le développement durable, publié en
2010 par le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation
du territoire, du gouvernement du Québec.
5La
Société canadienne d’hypothèques et de logement indique comment réaliser un
jardin pluvial sur sa propriété.